La beauté et la vie de bohème – courte biographie du Caravage

Judith et Holopherne : Un Acte de Valeur et d’Art

Après avoir su que le général Holopherne de A Babylone était amoureux d’elle, Judith décide de tirer profit des circonstances pour changer le cours de l’histoire. Holopherne voulait conquérir Béthulie, une ville de l’ancienne Israël, la ville où Judith est née, la ville où elle a grandi pour devenir une femme belle, veuve, dévouée et patriote. Résolue, elle se dépouille de son habit et met des vêtements légers. Ensuite, Judith se dirige vers le camp militaire où elle utilise son charme pour convaincre Holopherne qu’elle l’aime aussi et qu’elle soutien son désir de conquête. 

À l’aide de sa servante et de ses armes de séduction, elle met Holopherne en état d’ivresse jusqu’à la perte de connaissance. Là, devant le corps sans défense du général, Judith le décapite de sang-froid pour prendre après la fuite. Le matin, le peuple d’Israël se réveilla avec la tête continua à vivre tranquillement et sans remords le deuil de son mari. 

La Diseuse de bonne aventure, 1594, Musée du Louvre, Paris.

Caravage : Le Réalisme dans l’Art Religieux

Plusieurs peintres ont voulu reproduire ce moment de l’histoire biblique sur un tableau. Certains y sont parvenus, d’autres pas vraiment. Cependant, il y a un homme qui a peint une représentation réaliste unique et qui a su exprimer pleinement la beauté de Judith, la détermination sur son visage, la terreur sur les lèvres d’Holopherne comme on peut bien l’apprécier sur l’image en haut de page. Né le 29 septembre 1571 à Milan, cet homme a révolutionné l’art en utilisant de manière méticuleuse la technique clair-obscur pour mettre l’accent sur les détails anatomiques, cette pratique assez évidente chez ses œuvres s’appelle ténébrisme et donne ses tableaux la caractéristique qui a rendu célèbre le nom de l’artiste : Michelangelo Merisi da Caravaggio. 

Bien que les œuvres du Caravage soient en grande partie religieuses, c’est l’influence du sacré à l’époque qui a mené l’artiste à peindre des tableaux dans les limites acceptées par les hommes puissants : les clercs qui étaient souvent les commanditaires. Le Caravage se tournait toujours vers une représentation peu orthodoxe au moment de peindre. En effet, des radiographies faites sur Judith décapitant Holopherne (vers 1600, Rome, Galleria Nazionale d’Arte Antica Palazzo Barberini) démontrent que l’artiste l’avait peinte seins nus et il a dû recouvrir la poitrine de son héroïne à la demande de son commanditaire.

Le joueur de Luth, vers 1595, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

Le Caractère Complexe du Caravage

Il est impossible de synthétiser tous les traits qui définissent sa personnalité artistique, étant donné que le Caravage était un homme difficile, un génie incompris qui vivait un conflit intérieur permanent. Cependant, ses œuvres révèlent son obscurité et le néant dans lequel il se précipitait même dans la vraie vie. Il vaut vraiment la peine de prendre un peu de temps pour admirer les tableaux de cet homme capable de mélanger le sacré et la misère humaine sur une même scène. 

Ses œuvres sont le reflet d’un homme qui a connu la misère, la solitude, la persécution et la maladie. Il n’est pas nécessaire d’ajouter des détails sur la vie tumultueuse qu’il a dû vivre, tant au niveau quotidien comme au niveau psychologique, il suffit de regarder quelques tableaux et faire la comparaison entre son style au début de ses années comme artiste et son style vers la fin de sa vie.     

Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste, vers 1609, Palais royal de Madrid, Madrid.

Les Années Dorées du Caravage à Rome

L’époque dorée du Caravage a été sans doute ses années à Rome, la ville qui l’a vu se consolider comme un génie de la peinture et qui l’a vu aussi vivre les moments les plus difficiles de sa vie. Michelangelo est arrivé à Rome en 1592, il était nu, pauvre, il n’avait pas de provisions, il se retrouvait tout seul et sans direction définie. Rapidement, il a trouvé un travail comme peintre des fleurs et des fruits à l’atelier de Giuseppe Cesari, artiste du pope Clément VIII. Ce travail était cependant ennuyeux pour lui car il ne consacrait son temps qu’à peindre des fleurs et des fruits. Voilà pourquoi l’artiste quitte l’atelier après deux ans.

Le Caravage voulait devenir célèbre, mais avant il a connu l’échec. Après avoir quitté l’atelier de Giuseppe Cesari, il a fait connaissance de Prospero Orsi, peintre lui-même, et qui l’a aidé à sortir de la misère. Vers 1595, le Caravage avait déjà peint quelques tableaux dont la thématique était parfois profane et parfois religieuse. C’est à ce moment-là que l’artiste commence à fréquenter les grands de ce monde et développe son réseau de contacts. 

Changement de Focus : Du Profane au Religieux

Vers 1599 le Caravage devient le protégé de Francesco Maria del Monte, un cardinal et collectionneur d’art qui a été le plus important commanditaire du Caravage. À partir de ce point-là, l’artiste arrête de peindre des tableaux profanes et consacre son temps de façon presque exclusive à la peinture religieuse jusqu’à la fin de ses jours. Face à la réforme protestante de Martin Luther, l’Église Catholique fait une contreréforme pour démontrer l’humanité la foi et la vraie doctrine chrétienne, c’est pour cela que l’Église a rempli ses temples avec des tableaux, des statues et des reliques. Cette contreréforme a été bien sûr une opportunité que les artistes comme le Caravage ont saisie. 

Parmi ces temples, on trouve l’église Saint-Louis-des-Français de Rome dans laquelle il restait la chapelle Contarelli qui n’avait pas encore été décorée. Dans cette chapelle, le Caravage a démontré sa vraie conception de la peinture religieuse et, grâce à elle, il a obtenu une forte demande de ses peintures. Le Caravage n’était pas du tout un idéaliste comme ses contemporains. Quand il avait besoin d’un modèle pour peindre un tableau dont la thématique était religieuse, il invitait des clochards, des vieux sales en haillons, des prostituées, des gens normaux, peu importait s’ils avaient des difformités ou des détails anatomiques.

La Crucifixion de saint Pierre, vers 1604, Chapelle Cerasi, Église Santa Maria del Popolo, Rome.

Réalisme et Controverse dans l’Œuvre du Caravage

En prenant ce type de modèles il a rapproché le sacré de la réalité. Le Caravage est devenu célèbre grâce à ce genre de réalisations, même s’il a été sujet de controverse à l’époque pour utiliser des prostituées pour représenter des personnages sacrés, il ne cachait pas les pieds sales, les plaies ni les rides.

Au début du XVIIème siècle, le Caravage était déjà parmi les artistes les plus célèbres de Rome. Ses travaux le plus importants datent de cette époque : La Crucifixion de Saint Pierre, La Mort de la Vierge, La Mise au tombeau, L’Incrédulité de Saint Thomas. Ses œuvres ont provoqué une division au cœur de Rome et ont suscité l’intérêt de plusieurs commanditaires. Mais la vie de succès du Caravage n’a pas été longue. 

Déclin et Chute : Les Dernières Années du Caravage

Le Caravage commence à fréquenter des tavernes, des bordels, il commence à boire assez souvent et à participer à de nombreuses rixes. C’est ainsi que sa vie se rempli d’excès dans les quartiers populaires de Rome. On trouve plusieurs plaintes contre le Caravage que datent de ces années : des attaques à l’épée, des insultes, des attaques contre la propriété privée, il a jeté des pierres à la police, etc. C’est grâce à ses amis les clercs que le Caravage a toujours pu continuer sa carrière artistique. Son ami Floris Claes van Dijk, peintre, l’a décrit comme un homme travailleur, mais prétentieux et têtu, c’était un homme toujours prêt à commencer une discussion.

Après plusieurs rixes et desquelles il s’en est toujours sorti grâce à ses amis éminents, le Caravage a finalement touché le fond. Le 29 mars 1606, lors d’un match de pallacorda (tennis) et après une discussion houleuse, le Caravage tue Ranuccio Tomassoni d’un coup d’épée. Les autorités ont porté plainte contre le Caravage, mais les amis de Ranuccio ont juré de se venger. Seul et effrayé, l’artiste fuit Rome et se dirige à Naples où il continue à peindre sous protection de la puissante famille Colonna. Là, le Caravage arrive à retrouver le prestige qu’il avait gagné à Rome, mais la dépression et l’angoisse commencent à envahir ses œuvres. 

On se trouve déjà sur les dernières années de la vie du Caravage. Michelangelo déambule dans les rues des villes, tout ce qu’il voulait c’était retourner à Rome et demander clémence pour un délit qu’il n’a pas voulu commettre. En 1607, le Caravage arrive sur l’île de Malte où grâce à son talent il devient chevalier de l’Ordre de Malte, mais encore une fois et juste quelques mois après sa nomination, son caractère et sa tendance violente l’ont amené à blesser gravement le Comte Della Vezza di Asti, M. Giovanni Rodomonte, un homme plus important et plus puissant qu’un chevalier comme le Caravage. Malheureusement, on ne connaît pas les circonstances de cet incident.

Le Caravage se trouve maintenant emprisonné au Fort St. Angelo. Il demeure à cet endroit quelques mois, mais il s’échappe. On ignore comment le Caravage s’est évadé, mais on attribue son évasion aux quelques amis de l’artiste, probablement à Fabrizio Sforza Colonna, un condottiere (soldat mercenaire) membre de la famille Colonna. On émet alors un avis de recherche et d’arrestation, mais on ne le trouve pas. Son délit lui vaut au moins l’exclusion de l’Ordre de Malte et cinq ans en prison.

Après un court séjour à Sicile, le Caravage est de retour à Naples où il est victime d’une violente agression (l’agresseur étant probablement un ennemi maltais). Michelangelo continue à peindre des œuvres de haute qualité, la lumière sur ses tableaux guide la vue de son expectateur, le sublime naît constamment de la misère chez le Caravage. L’angoisse de l’artiste se reflète dans son art et sa conception de Dieu comme lumière devient la protagoniste de ses œuvres, une lumière capable de briller sur la beauté des choses et sur celles qui ne valent rien.

L’Incrédulité de saint Thomas, vers 1603, Galerie des Offices, Florence.

Fin Tragique et Héritage Éternel

Finalement, le Caravage obtient la grâce et il prend un bateau en direction de Rome. Il n’avait que quelques possessions et quelques peintures, mais il était sans doute heureux au fond de son cœur. Cependant le bateau fait escale à Porto Ercole, un village italien se trouvant à 150 kilomètres de Rome. Malheureusement et encore une fois, le Caravage se fait arrêter par la police et il reste quelque temps sous garde. Quand on l’a relâché deux jours après, le bateau était déjà parti. Certains disent que le Caravage est mort sur la plage, mais d’autres assurent que l’artiste a dû être hospitalisé quelques jours après avoir raté le bateau à cause d’une grave septicémie à staphylocoque doré qui a provoqué sa mort le 18 juillet 1610 à l’âge de 37 ans. Le Caravage n’a jamais pu remettre les pieds à Rome…

Aujourd’hui, 410 ans après sa mort et de centaines d’artistes, Michelangelo Merisi da Caravaggio est considéré le plus grand représentateur du ténébrisme et de la peinture baroque. Sans aucun doute, ses ouvres reflètent une introspection. On y apprécie clairement l’évolution de sa pensée et l’abattement de son esprit. Sa vie a été remplie de mésaventure et il a à peine connu le bonheur et la sérénité. Mais cet esprit turbulent a été le créateur des œuvres étonnantes, réalistes et émouvantes. On devrait tous avoir au moins une notion de l’existence de l’enfant terrible de la peinture italienne.    

Amour endormi, 1608, Galerie Palatine, Palais Pitti, Florence.

Références :

Graham-Dixon, A. (2010). Caravaggio: Una Vida Sagrada y Profana. Taurus.

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